La 46e université catalane d'été (UCE) de Prades (Pyrénées-Orientales) a rendu, dimanche 17 août, dans le cloître de Saint-Michel-de-Cuxa, à Codalet, un hommage simple, fort et émouvant à l'abbé Auréli Escarré, prieur de 1946 à 1968 du monastère de Montserrat, près de Barcelone.
C'est à Montserrat, lieu symbolique de l'identité catalane et de pèlerinage pour tous les Espagnols, que José Antonio Novaïs, correspondant du Monde à Madrid, avait recueilli les propos de l'abbé, publiés le 14 novembre 1963 à la « une » du Monde. Pour la première fois, un représentant important de l'Eglise y affirmait son opposition au pouvoir en place : « Le régime espagnol se dit chrétien, mais n'obéit pas aux principes de base du christianisme », déclarait l'abbé.A l'époque, Le Monde, interdit par la censure franquiste, ne fut pas distribué en Espagne, mais une traduction de l'article en catalan, réalisée par des opposants exilés et transportée clandestinement de Perpignan, fut diffusée à près de 40 000 exemplaires en Catalogne. A l'étranger aussi, les déclarations d'Escarré avaient eu un retentissement considérable avant que, quelques mois plus tard, plus de quatre cents prêtres catalans adressent une lettre collective à leur hiérarchie pour dénoncer les liens trop étroits entre le clergé espagnol et la dictature franquiste.
« UN HOMME DE PRINCIPES »
L'exposition sur le 50e anniversaire de ces déclarations – conçue en 2013 par l'association des journalistes européens de Catalogne, et déjà largement présentée au sud des Pyrénées – a pris une dimension singulière dans le monastère de Saint-Michel-de-Cuxa. Les moines bénédictins venus de Montserrat y avaient accueilli nombre d'exilés poursuivis par le régime franquiste avant qu'intellectuels et hommes politiques catalans y préparent les conditions du rétablissement de la Généralité de Catalogne. C'est à Prades aussi que le violoncelliste Pablo Casals, fuyant l'arrivée du fascisme, avait trouvé refuge en 1939, et qu'il avait créé, dans les années 1950, un festival de musique réputé.« L'abbé Escarré a posé une pierre importante dans la construction de la Catalogne. Les Catalans auront le 9 novembre prochain à travers la consultation sur l'indépendance la possibilité d'effacer trois cents ans de confiscation, par les Espagnols et les Français, de la nation catalane », a dit Ramon Gual, un des organisateurs de l'UCE, lui-même fils d'exilé. Selon l'abbé Marco Riba, actuel prieur de Saint-Michel-de-Cuxa, Escarré « homme d'Eglise défenseur des droits des personnes et des peuples » serait aujourd'hui encore « du côté des droits de son pays ».
Jean-Claude Marre
Journaliste au Monde
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